Le jeudi 3 novembre 2022 au soir, c’est à une écrasante majorité (68 oui contre 6 non et 19 abstentions) que le Grand Conseil a voté une loi réformant en profondeur la LPol.
Depuis, M. le Conseiller d’Etat Mauro Poggia – qui aura tout tenté pour empêcher ce vote et qui semble dans l’émotionnel depuis ce dernier- s’est lancé dans une véritable et inquiétante campagne médiatique de dénigrement du pouvoir législatif.
Il s’agite et remet en question cette loi votée pourtant dans le respect des principes démocratiques, et va même jusqu’à insinuer qu’il pourrait tenter de convaincre le Conseil d’Etat d’en suspendre la promulgation pendant six mois. Gageons que ses collègues seront plus respectueux de la décision sans appel du parlement, après trois ans et demi de traitement du projet de loi adopté en commission.
Au sujet du vote de cette réforme, le SPJ souhaite rappeler les points suivants :
Pourquoi le pouvoir législatif s’est-il penché sur la loi sur la police (Lpol) ?
Parce que cette loi a sévèrement abîmé un service public qui n’était plus en mesure de fournir à la population la prestation de qualité qu’elle est en droit d’attendre.
Baisse d’attractivité; formation unique, délocalisée, inadaptée et lacunaire; augmentation du nombre de cadres et baisse des effectifs dans le terrain; appels 117 non traités ou trop tardivement pris en charge; confusion dans les missions et perte de leur sens; moral en berne des policiers qui ne trouvaient plus de cohérence dans l’institution, qui se sentaient inefficaces, sinon inutiles.
Ces graves problèmes et dysfonctionnements n’ont pas seulement été à maintes reprises dénoncés par les policiers tous grades confondus. Ils l’ont également été par des citoyens mécontents. Ils ont en outre été confirmés par un sondage, par un audit de la Cour des Comptes, par une étude sociologique universitaire, et plus récemment par le travail d’une psychologue qui a rendu un rapport inquiétant en collaboration avec le service psychosocial de la police.
Pourtant, au cours de ces années, tant la direction de la police que le DSPS n’ont eu de cesse de minimiser voire nier les problèmes.
C’est précisément en raison de ce déni et de cette inaction que les députés du Grand Conseil se sont légitimement inquiétés et qu’après maintes questions ou motions urgentes restées sans réponse satisfaisante ou rassurante de la part du Conseil d’Etat, un projet de loi a été déposé. Un objet visant à réformer la police en lui proposant une formation de qualité et adaptée aux besoins réels du canton, et en rendant à son organisation une cohérence et des effectifs de terrain à nouveau suffisants pour assurer les missions au service de la population.
Le Conseil d’Etat s’est-il vu pour autant privé de sa liberté d’action par le Grand Conseil ?
Jamais, et bien au contraire. Dès le dépôt de ce projet de loi devant le Grand Conseil, le DSPS du Conseiller d’Etat Mauro Poggia a disposé de plus de 3 ans pour proposer des solutions aux problèmes mis en lumière.
Qu’en a-t-il fait ?
Un audit mené par un seul homme, lui-même artisan et acteur de la Lpol, dont l’objectivité pouvait raisonnablement être remise en question. Surtout après que l’intéressé a déclaré au SPJ – au cours de son « travail » : «la Lpol est un train et on n’arrête pas un train en marche ». Un audit dont le compterendu original n’a finalement jamais été rendu public, sinon une synthèse minimaliste du DSPS, qui a conduit à la mise sur pied d’un comité de pilotage, pour en arriver, en juin 2022, au dépôt d’un amendement général vide et inconsistant qui ne proposait en réalité aucune solution aux problèmes identifiés.
Les Députés ont dénoncé l’attentisme de Mauro Poggia, mais la stratégie du Magistrat était désormais claire : freiner coûte que coûte l’avancée de leurs travaux sur la réforme de la Lpol et en empêcher le vote.
Amendements déposés en dernière minute; interventions dans la presse ou encore courriers aux propos méprisants sinon insultants à l’égard du Législatif et du principe de séparation des pouvoirs; tentative d’instrumentalisation de la commission du personnel de la police; pressions de toutes sortes. Autant de manœuvres dilatoires qui, fort heureusement, n’aboutirent pas et n’impressionnèrent pas les Députés.
Le Législatif a-t-il bâclé son travail ?
Le vote majoritaire du PL12521 est intervenu après 3 ans et demi de travaux de la députation, plus d’une vingtaine de séances en commission judiciaire et de la police, de nombreuses auditions, de lecture et analyse de rapports et sondages, et d’autant de discussions autour d’amendements. Avec pour conclusion un rapport de quelques 350 pages.
Aujourd’hui, Mauro Poggia et le PLR (lequel s’est tout de même abstenu au moment du vote, relevons-le) reprochent notamment aux Députés de ne pas avoir donné au Procureur Général l’opportunité de s’exprimer. Or, il sied peutêtre de préciser qu’en avril 2019, alors qu’il était approché par le SPJ au sujet du projet de réforme de la Lpol, ce même Procureur Général déclarait qu’il ne souhaitait pas se prononcer s’agissant de l’organisation de la police et de sa formation, ces sujets n’étant pas de sa compétence. En outre, durant trois ans et demi de débats, le Procureur Général n’a pas manifesté son intérêt à être entendu, pas plus que le DSPS n’a jugé utile de le consulter.
Le Conseil d’Etat aura-t-il recours à l’art. 109 de la Constitution ?
La Constitution l’autorise, certes. Mais un tel choix serait-il légitime et compris ?
Nous n’avons pas la prétention d’y répondre, mais outre le fait que cela reviendrait pour les Conseillers d’Etat à désavouer quasiment toutes les formations parlementaires, une telle décision serait pour le moins déconcertante : la loi et son vote à une indiscutable majorité sont en effet conformes au droit supérieur et proposent des solutions concrètes à une crise qui a miné une institution, crise qui de surcroît a été aggravée par la politique attentiste du DSPS de Mauro Poggia.
En outre, selon la Constitution, le recours à cet article 109 doit permettre au Conseil d’Etat de proposer des alternatives à la loi votée par le Législatif. Or, dans le cas présent, le Conseil d’Etat, par le biais du DSPS de Mauro Poggia, a lui-même déjà déposé à deux reprises des amendements, dont une série de 11 articles et ce, au moment-même du vote ultime. Alors en quoi 6 mois de plus permettraient-ils à Mauro Poggia de faire les nouvelles propositions concrètes qu’il n’a en réalité jamais été en mesure de présenter durant plus de trois ans ? Gageons que la sagesse l’emportera, et que Conseil d’Etat ne se risquera pas à ce qui pourrait être considéré comme un abus du droit constitutionnel.
Ce vote est-il une victoire des syndicats ?
Il est avant tout la démonstration rassurante que la séparation des pouvoirs est un principe fondamental qui doit être préservé et respecté.
Beaucoup de policiers, tous grades confondus, nous ont certes remerciés d’avoir su porter leurs voix devant le Législatif, et nous ont exprimé leur soulagement d’avoir été enfin entendus.
Pourtant, ce vote n’est nullement une victoire pour les syndicats et l’heure n’est pas à la fanfaronnade. Beaucoup reste à faire et d’autres défis devront être relevés. La reconstruction ne fait que commencer et elle ne pourra être un succès qu’à condition que la bonne volonté de chacun soit au rendez-vous. Forts de leur grande représentativité qui fait leur légitimité, de leur esprit constructif, de leur solide connaissance de l’institution et de leur attachement à une police démocratique au service du public, les syndicats resteront une force de proposition sur laquelle le DSPS et la direction de la police pourront s’appuyer pour une meilleure mise en œuvre de la nouvelle loi.
En attendant, ce résultat constitue un réel espoir de pouvoir enfin rendre aux Genevois-es un service public de qualité.
Le Comité du SPJ